Et si tout le parcours de Guillemette se résumait en une succession d’hasards ? C’est en tout cas spontanément ce qui lui vient à l’esprit quand on lui demande de nous raconter son histoire. Plus jeune, elle veut faire des « études de plein de choses » et se dirige finalement vers un BTS modélisme à Rouen, sa ville natale. Durant cette formation un peu trop technique pour l’enflammer, elle apprend néanmoins l’élaboration de patrons couture et participe à un événement qui va agir comme un révélateur :
« Nous devions organiser un défilé et nous l’avions orienté autour de la lingerie. J’ai réalisé à quel point ce secteur m’attirait et combien l’offre dans le commerce était limitée. »
La jeune femme est donc bien décidée à explorer cette piste : elle repère une formation lingerie à Paris qui sera surtout l’occasion de toquer à la porte des plus grandes maisons françaises du secteur : Daniel Hechter, Chantelle, Princesse tam.tam, Aubade et donc de se forger une solide expérience.
En parallèle, elle a vent d’une opportunité : un accompagnement de Montrouge, ville qui l’accueille durant ses études, pour les porteurs de projets. Nouvel hasard, nouveau déclic. Guillemette a alors l’idée de postuler en proposant un lieu où les couturiers et les couturières pourraient se réunir et échanger, travailler, apprendre ensemble. En quelques jours, tout s’accélère, elle quitte Aubade et se retrouve lauréate. Elle ouvre un an après et investit cet espace chaleureux, singulier et rare, où elle propose aussi bien des cours particuliers que des ateliers thématiques.
« Cela a été une expérience extrêmement formatrice. J’ai adoré découvrir le milieu de l’enseignement, si difficile mais extrêmement enrichissant. »
Evidemment, toujours fidèle à sa passion pour les dessous chics, des ateliers lingerie sont au programme, plébiscités par les adhérentes qui lui réclament même des patrons.
Guillemette a alors un nouveau déclic : et si elle commercialisait ses patrons lingerie pour les proposer au plus grand nombre ? L’Atelier Guillemette vient de naître. Elle lance ses premiers modèles fin 2016, mais c’est seulement après avoir rendu le bail de son atelier couture et avoir déménagé à Marseille que la créatrice s’y consacre à plein temps. Toujours autant enthousiaste et accro aux belles coupes et douces matières, Guillemette ne manque pas d’idées pour étoffer sa gamme ; notamment développer les kits et faire de sa mercerie une référence dans le domaine de la lingerie.
Bonne nouvelle, certains de ses patrons sont déjà disponibles sur I MAKE. Son chouchou ?
« Cela pourrait sembler mégalomane, mais c’est la culotte Guillemette que je nommais comme cela, justement parce que je la porte tout le temps », répond-elle en riant.

1. Si vous deviez résumer en trois mots votre univers :
Féminin, confortable, fait-main.
2. Quel est votre outil de travail préféré ?
Un porte-épingles. Dès que je me mets à coudre, il est greffé à mon poignet car en lingerie, c’est très important d’épingler la matière qui est souvent très fine, très fluide. J’ai tellement l’habitude de l’utiliser que parfois, je me rends compte que j’ai oublié de le retirer, quand je prépare à manger par exemple !
3. Quelle est votre matière de prédilection ?
La dentelle, sans hésitation. Il y a énormément de choix : plus ou moins ajourée, doublée ou pas, plus ou moins fine avec une foultitude de dessins qui racontent une histoire. Je suis fascinée par ces jeux de lumières, ces motifs semblables à des tatouages sur la peau.
4. Travaillez-vous seule ?
Oui, je suis toute seule. Je ne suis pas en contact avec des fournisseurs car j’ai accumulé énormément de matières au fil des années grâce à mes expériences et j’ai la possibilité de racheter des stocks de tissus invendus des grandes maisons de lingerie. Cela me permet d’être dans une démarche de zéro gaspillage tout en proposant des matières de très belle qualité.
5. Quelle est votre routine créative ?
Je regarde la météo ! Les jours de pluie, je vais plutôt m’occuper de la partie administrative. Les jours de beau temps, j’ouvre les fenêtres en grand et je laisse parler ma créativité en concevant de nouveaux patrons. En général, il faut compter trois jours complets pour créer, monter, couper un prototype. Je le délaisse ensuite pendant quelques jours et je le reprends en faisant des essais de matières, en rectifiant un point technique. Ensuite, vient la phase de gradation, je fais essayer les modèles en différentes tailles, puis j’élabore le livret du patron.
6. Où créez-vous ?
Chez moi ! Mon coin travail, c’est mon appartement ! J’ai beaucoup besoin de bouger quand je crée. Je suis très concentrée sur mon patron, mais ensuite j’ai besoin de sortir les tissus, de les disperser un peu partout autour de moi pour prolonger l’inspiration.
7. Quel est votre conseil pour oser créer ?
Commencer par créer une réalisation très simple pour quelqu’un que l’on aime énormément. La personne sera forcément touchée, cette attention aura beaucoup de valeur pour elle et donc cela vous insufflera la confiance nécessaire pour continuer. C’est d’ailleurs souvent pour cela que les personnes se mettent à coudre pour leurs enfants ! Quand on n’a pas peur du jugement d’autrui, il n’y a plus de frein, plus d’obstacle, la route est dégagée !
8. Comment vous voyez-vous dans 10 ans ?
J’aimerais poursuivre l’Atelier Guillemette en m’entourant d’autres personnes. Ce qui me permettrait de dégager du temps pour une autre envie : faire du coaching auprès de personnes qui se sentent limités par leurs peurs, leurs doutes. C’est une idée qui m’est venue en gérant l’atelier à Montrouge car j’ai pu constater combien l’activité créative est un exutoire.
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Cette interview a été menée par Vanina Denizot.